Le secret professionnel n’est pas le secret du professionnel ?
Par Me Anne Marie Jutras, Avocate au Bureau du syndic |
Le « secret professionnel » est une obligation qui incombe à tous les professionnels.
Comme ses collègues médecins, infirmières, inhalothérapeutes, etc., l’infirmière auxiliaire doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession [1]. Sachant qu’au sein d’une équipe de soins, il n’existe pas de secret professionnel entre les membres de l’équipe traitante, afin de pouvoir offrir des soins complets et de qualité aux patients. C’est ce qu’on appelle le « secret professionnel partagé ».
Lorsqu’un patient reçoit les soins d’une infirmière auxiliaire, il lui confie des renseignements confidentiels sur son état de santé. Pour dévoiler librement et en toute confiance les informations intimes le concernant, le patient doit être assuré que ses renseignements confidentiels ne seront pas partagés avec n’importe qui par l’infirmière auxiliaire.
Le secret des renseignements confidentiels confiés à un professionnel de la santé appartient au patient. On dit qu’il en est « le titulaire ou le bénéficiaire ». Ainsi, le secret professionnel protège le patient. Il n’appartient pas et il ne protège pas l’infirmière auxiliaire ou le professionnel à qui le patient se confie.
Il revient au patient de choisir s’il souhaite renoncer, en tout ou en partie, au secret professionnel qui le lie à l’infirmière auxiliaire afin de permettre la transmission à un tiers les renseignements obtenus au cours de la relation professionnelle [2].
Pour se conformer à ses obligations déontologiques, l’infirmière auxiliaire doit faire preuve d’une grande discrétion. Elle doit notamment éviter de révéler qu’une personne a fait affaire à elle et éviter de participer à des conversations au sujet de patients et des services professionnels qui leur sont rendus [3].
Chacun a droit au respect du secret professionnel.
Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu’ils n’y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi [4].
Exceptionnellement, lorsque la loi le permet, l’infirmière auxiliaire peut communiquer des renseignements confidentiels recueillis dans l’exercice de ses fonctions sans l’autorisation de son patient. À ce propos, le Code des professions [5] prévoit :
Le professionnel peut en outre communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu’il a un motif raisonnable de croire qu’un risque sérieux de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable et que la nature de la menace inspire un sentiment d’urgence. Toutefois, le professionnel ne peut alors communiquer ce renseignement qu’à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou aux personnes susceptibles de leur porter secours. Le professionnel ne peut communiquer que les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication.
Le même article définit la « blessure grave » comme étant « toute blessure physique ou psychologique qui nuit d’une manière importante à l’intégrité physique, à la santé ou au bien-être d’une personne ou d’un groupe de personnes identifiable ».
Le Code de la sécurité routière [6], la Loi sur la protection de la jeunesse [7], la Loi visant la protection des personnes à l’égard d’une activité impliquant des armes à feu [8] et la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité [9] contiennent des dispositions permettant aux professionnels de déroger au secret professionnel dans des circonstances particulières.
Lorsqu’une infirmière auxiliaire déroge de son obligation pour prévenir un acte de violence, par exemple, elle doit consigner dès que possible au dossier du patient concerné les éléments suivants [10] :
- le renseignement communiqué, la date et l’heure de la communication ;
- l’identité de la ou des personnes exposées au danger ;
- l’identité de la ou des personnes à qui la communication a été faite en précisant, s’il s’agit de la ou des personnes exposées au danger, de leur représentant ou de personnes susceptibles de leur porter secours ;
- les motifs au soutien de sa décision de communiquer le renseignement.
Conclusion
De façon générale, tous les renseignements de nature confidentielle divulgués par un patient à son infirmière auxiliaire sont protégés par le secret professionnel. Toutefois, en tant que titulaire du secret professionnel, le patient peut choisir d’y renoncer. Certaines dispositions législatives permettent au professionnel de briser le secret professionnel dans des circonstances particulières. Avant de déroger à son obligation, l’infirmière auxiliaire devra s’assurer de se conformer aux balises édictées par le Code des professions ainsi que par le Code de déontologie des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec afin que l’entorse au secret se réalise dans le respect des lois.
Sources
[1] Article 60.4 du Code des professions
[2] Ibid, al. 2
[3] Article 48 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec
[4] Article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec
[5] Ibid, note 1, al. 3
[6] Articles 603 et 605
[7] Articles 38, 38.1 et 39
[8] Articles 8 et 10
[9] Article 21
[10] Article 50 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec