Toxicomanie et santé mentale | Le revers des soins en milieu carcéral
Ce n’est une surprise pour personne : la relation d’aide se hisse au cœur des pratiques de l’infirmière auxiliaire. Stéphanie Gauvreau-Charron nous le prouve une fois de plus, elle qui œuvre au centre de détention Leclerc à Laval. « C’est un autre monde, complètement différent de tous les milieux où j’ai exercé », décrit la professionnelle, qui compose, au quotidien, avec les enjeux de santé mentale et de toxicomanie des personnes détenues.
par Annabelle Baillargeon, Directrice adjointe, Service des communications et des partenariats stratégiques |
« C’est un beau milieu à découvrir ! Il ne faut pas avoir peur, on est bien entourées et les personnes incarcérées sont vraiment reconnaissantes envers nous pour les soins qu’on leur prodigue », assure celle qui travaille dans un milieu carcéral provincial depuis quelques mois.
Employée par une agence de placement en soins infirmiers, Mme Gauvreau-Charron a toujours signifié son intérêt envers le milieu carcéral. La pandémie a entraîné son lot de travail et elle a été contactée en septembre dernier pour se joindre à l’équipe du centre Leclerc.
(Photo : Stéphanie Gauvreau-Charron, infirmière auxiliaire)
Consciente qu’il s’agit d’un milieu atypique qui ne plait pas nécessairement à tous, l’infirmière auxiliaire était pour sa part grandement attirée par l’idée de travailler auprès de personnes aux prises avec des enjeux de santé mentale. « On devient soignant parce qu’on aime la relation d’aide. C’est le milieu parfait pour ça ! Les personnes incarcérées ont elles aussi le droit d’être soignées avec empathie », ajoute-t-elle.
Interventions reliées à la toxicomanie
En tant qu’établissement provincial, les personnes détenues au centre purgent des peines de deux ans moins un jour. Elles sont donc condamnées pour différents délits ou crimes qui sont parfois reliés à des enjeux de santé mentale ou de consommation. « Il y a toujours un élément déclencheur pour lequel la personne se retrouve là », rappelle l’infirmière auxiliaire.
Lors de l’admission, les personnes détenues se retrouvent dans une aile spécifique pour une période d’environ 72 heures, le temps de tracer le bilan de santé. Dans ce délai, les symptômes de sevrage peuvent se manifester pour les personnes qui luttent contre des dépendances à l’alcool ou aux opioïdes, par exemple. Sudation, tremblements, vomissements peuvent alors survenir. L’équipe soignante collabore avec un médecin qui prescrira le protocole de sevrage.
« La première fois que j’ai vu quelqu’un convulser à cause du sevrage a été marquante, se souvient l’infirmière auxiliaire. Heureusement, on est bien entourée. On prend ensuite le relais avec le protocole établi par le médecin, on mesure les signes vitaux et on assure les suivis. »
Routine derrière les murs
Lors de chaque admission de personnes détenues, ces dernières sont rencontrées par l’équipe de soins de l’établissement carcéral. Les antécédents de santé sont alors documentés et le profil pharmacologique est dressé.
« Souvent, elles se remettent sur pied à l’intérieur des murs. À l’extérieur, elles consomment ou ne sont pas assidues avec leur médication. Ici, elles retrouvent une routine de vie, une structure », souligne la professionnelle.
De la sorte, l’équipe de soins prépare tous les matins la médication pour les personnes détenues. Par la suite, chacune d’entre elles se présente à l’infirmerie pour la recevoir. Le reste des journées est alloué aux cliniques, qui permettent à l’équipe interdisciplinaire de rencontrer les personnes selon leurs besoins.
Entourée d’infirmières, d’une travailleuse sociale, d’une psychiatre, d’un médecin et d’adjointes administratives, l’infirmière auxiliaire assure les suivis médicaux des personnes incarcérées.
« Ce n’est pas comme dans les films, la relation avec les personnes incarcérées se passe super bien. Comme soignantes, on est là pour les aider, les soutenir. Je n’ai pas peur, elles sont reconnaissantes envers nous. Elles savent qu’on est là pour les aider », ajoute Mme Gauvreau-Charron.
Dans le discours de l’infirmière auxiliaire, on sent bien le lien précieux qu’elle tisse avec ces personnes. Empreinte de respect, elle traite avec beaucoup d’équité et de considération chacune d’entre elles. « Peu importe le crime qu’elles ont commis, elles ont le droit d’être soignées. Il faut le voir dans ce sens-là. La plupart du temps, nous ne sommes même pas au courant des raisons pour lesquelles elles se retrouvent là. Leur crime n’est pas inscrit au dossier médical », mentionne-t-elle.
Contrairement aux idées que l’on peut se faire du milieu carcéral, Stéphanie Gauvreau-Charron le décrit plutôt comme un milieu favorable à la relation d’aide. Pour les professionnelles qui se passionnent par la santé mentale, elle juge qu’il s’agit d’un milieu où les défis sont grands et propices au dépassement de soi. Véritablement passionnée, l’infirmière auxiliaire y a bien trouvé sa place et continuera de s’y épanouir encore longtemps, l’espère-t-elle !